Se foutre la paix - avec Annie Prévost

Lorianne Lacerte accueille Annie Prévost pour discuter de la surcharge et de la culpabilité ressenties par les professionnel·le·s en relation d'aide, et comment gérer ces défis avec bienveillance. Annie est thérapeute, consultante et conférencière spécialisée en prévention de l'épuisement avec plus de 20 ans d'expérience.

Se foutre la paix : que signifie ce concept ?

Pour Annie, « se foutre la paix » signifie principalement lâcher prise sur la perfection. Il s'agit de s'accorder de la bienveillance, de l'amour et du respect, des concepts paradoxalement évidents mais souvent ignorés par les professionnel·le·s de la relation d'aide, qui se trouvent souvent dans le sacrifice de soi.

Les professionnel·le·s en relation d'aide ont tendance à vouloir sauver tout le monde et s'épuisent à aider les autres, au point de s'oublier complètement. Cette propension découle souvent d'un désir profond d'aider. Pour Annie, ce désir était ancré chez elle dès l'enfance (elle se faisait surnommer Mère Teresa au primaire).

Appliquer ses conseils à soi-même

Un thème récurrent est la difficulté qu'ont les professionnel·le·s à appliquer à eux-mêmes les conseils qu'ils dispensent. Annie souligne que c'est normal car il est fondamentalement difficile pour n'importe quel·le humain·e de travailler sur soi et de se prioriser, surtout dans un monde où la performance et l'accomplissement sont survalorisés.

Prendre du recul : comment faire ?

Prendre du recul sur soi-même est essentiel pour mieux comprendre ses propres besoins, aspirations et limites, mais cela peut être un processus complexe et intimidant. Dans cet épisode, Annie partage 2 approches efficaces pour y parvenir.

1. Se faire accompagner

Se faire accompagner ne signifie pas forcément consulter un professionnel. Il s'agit avant tout de s'entourer d'un réseau de soutien solide, composé de personnes de confiance qui peuvent offrir des perspectives extérieures et poser les bonnes questions. Ce réseau peut inclure des amis, des collègues ou même des groupes de soutien en ligne. L'important est de ne pas rester seul face à ses réflexions et d'accepter l'aide des autres pour éclairer ses propres zones d'ombre. Un regard extérieur peut souvent révéler des aspects de soi-même qu'on n'avait pas encore explorés, ce qui est crucial pour avancer sur le chemin de la connaissance de soi.

2. Travailler sur la connaissance de soi

La connaissance de soi est un voyage continu qui nécessite une évaluation et une réévaluation régulières de ce qui compte pour soi. Il ne suffit pas de faire un bilan ponctuel ; il est essentiel de s'arrêter régulièrement, de se poser des questions sur ce que l'on veut réellement dans la vie, et d'ajuster ses actions en conséquence. Annie souligne que ce travail d'introspection est loin d'être un cliché ; c'est une nécessité pour rester aligné avec ses valeurs et aspirations. Savoir ce que l'on veut et ce dont on a besoin à un moment donné permet de prendre des décisions éclairées, de fixer des limites claires, et d'éviter l'épuisement émotionnel. Ce processus d'ajustement constant est la clé pour éviter de se perdre dans un quotidien qui va souvent trop vite.

La procrastination : manque de discipline ou signal d'alarme ?

La procrastination est souvent mal comprise. Annie explique qu'elle n'est pas simplement le résultat d'un manque de discipline, mais bien souvent un mécanisme de défense complexe. Plutôt que de blâmer uniquement la volonté ou la discipline, il est important de comprendre les raisons profondes qui poussent à retarder certaines tâches. Annie distingue deux aspects essentiels à explorer pour mieux comprendre ce phénomène :

1. Motivation : Pourquoi fait-on cette tâche ?

Il est crucial de se demander quelle est la véritable motivation derrière une tâche. Si l'on n'est pas suffisamment motivé, cela peut être un signal d'alarme indiquant que la tâche en question n'est peut-être pas en alignement avec ses objectifs, ses valeurs, ou ses priorités actuelles. La motivation peut parfois révéler des désirs profonds ou des résistances intérieures qu'il est important de reconnaître. Si l'on ressent une faible motivation, c'est souvent le signe qu'il faut se poser des questions sur l'importance réelle de cette tâche dans sa vie.

2. Moyens : Comment exécute-t-on cette tâche ?

Parfois, ce n'est pas la motivation qui fait défaut, mais les moyens que l'on s'impose pour accomplir une tâche. Les méthodes choisies peuvent être trop rigides, inadaptées ou simplement épuisantes. Annie souligne que la procrastination peut être une manière de fuir des stratégies ou des processus qui ne conviennent pas, même si l'objectif lui-même est important. Il est alors essentiel de revisiter ces moyens, de les adapter ou de les changer pour mieux correspondre à ses propres besoins et capacités.

Exemples et anecdotes

Lorianne partage une anecdote à propos d'une cliente qui n'arrivait pas à transmettre ses idées par écrit. Elle a découvert qu'une capsule vidéo pouvait être une alternative beaucoup plus efficace pour exprimer ce qu'elle avait à dire. Annie renchérit en soulignant l'importance de se reconnecter à l'objectif principal. Il ne faut pas rester bloqué sur le « comment » faire les choses, mais plutôt se concentrer sur le « pourquoi » on les fait. Cette réflexion permet de trouver des solutions plus créatives et mieux adaptées, tout en évitant de s'enliser dans des méthodes qui ne fonctionnent pas.

Labeur émotionnel et fatigue émotionnelle

Annie explique la fatigue émotionnelle, souvent sous-estimée, qui découle du travail des émotions. En tant que professionnel·le en relation d'aide, contenir continuellement ses émotions pour s'ajuster à celles des autres est extrêmement exigeant et peut mener à une fatigue émotionnelle, cognitive et physique.

Prendre soin de soi dans un cadre professionnel

Il est crucial de reconnaître cette fatigue et de connaître ses limites. Parfois, il faut faire des choix difficiles, comme mettre fin à une relation thérapeutique qui épuise, pour le bien-être de toutes les parties impliquées.

Choisir ses clients et être transparent

Annie et Lorianne discutent de l'importance d'être transparent dès le début du processus avec les client·e·s pour garantir une bonne relation professionnelle. Cela permet d'assurer que les deux parties sont à l'aise avec les limites et les exigences.

Conclusion

Annie conclut en encourageant les professionnel·le·s à accroître leur transparence pour établir des relations plus satisfaisantes et bénéfiques.

En fin de compte, se foutre la paix, c'est accepter d'être humain·e, de se permettre des pauses et de reconnaître et honorer ses propres besoins et limites. C'est un message d'importance capitale dans un monde ou l'épuisement est trop souvent glorifié.

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