Le 10 décembre 2013, ça te dit quelque chose ?
Eh bien, une recherche rapide sur Google t’apprendra que c’est à cette date qu’a eu lieu la cérémonie commémorative pour Nelson Mandela.
Mais pourquoi je te parle de ça ?
Je ne sais pas si tu t’en souviens, mais cette journée a été marquée par un scandale : l’interprète en langue des signes, Thamsanqa Jantjie, était un imposteur. Il faisait du gros n’importe quoi, des gestes qui n’ont aucune signification réelle. En effet, un article de Radio France Internationale affirme : « Pendant plus de quatre heures, l’homme a traduit les discours de tous les officiels, y compris celui du président américain Barack Obama et du Sud-Africain Jacob Zuma. Un des membres du Parlement sud-africain, Wilma Newhout, lui-même sourd, a confirmé n’avoir rien compris aux gestes du pseudo-interprète. »
Bon, de prime abord, cette histoire peut sembler un peu banale. 🤷♀️
Mais quand on se met à la place d’une personne sourde ou malentendante, comme M. Newhout, on réalise à quel point cet événement devait être fâchant. Et plus on y réfléchit, plus on se rend compte que le métier d’interprète, c’est un travail sérieux. On en parle rarement, mais c’est une lourde responsabilité. Ces professionnels font bien plus que traduire des mots : ils assurent que chacun, peu importe ses capacités auditives, puisse participer pleinement à notre société et communiquer.
C’est exactement le sujet que j’aborde dans l’épisode 88 de L’orthophonie simplement. Dans cet épisode, je discute avec Isabelle Proulx, une experte passionnée par l’interprétation en milieu scolaire, qui nous partage l’impact profond que les interprètes ont sur l’éducation des jeunes sourds ou malentendants.
Et it goes without saying, mais Isabelle, ce n’est pas une impostrice ! 😉
Isabelle est une ancienne interprète (orale et gestuelle) en milieu scolaire. Depuis un peu plus de 3 ans, elle travaille à la Ressource régionale en déficience auditive pour la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec, et elle accompagne les 5 CSS (Centre de services scolaires) de la région afin de les soutenir lorsqu’ils ont des questionnements en lien avec le service d’interprétation.
Isabelle est également sollicitée par les enseignants lors de mesures d’adaptation ou de modifications à mettre en place pour soutenir la réussite des élèves qui vivent avec une surdité plus importante.
Les enfants sourds de naissance bénéficient d’un suivi spécialisé dès leur plus jeune âge, souvent au sein de centres de réadaptation dédiés à l’apprentissage et à la gestion de la surdité. Ces établissements offrent des services en audiologie et en orthophonie adaptés à chaque enfant, en fonction de leur région.
Dès le départ, différents modes de communication sont explorés pour identifier celui qui convient le mieux à l’enfant, en commençant par la langue des signes.
Pourquoi commencer par la langue des signes? Parce qu’elle est visuelle et intuitive, permettant une communication rapide et efficace. Avec le temps, et en concertation avec les parents, un mode de communication spécifique est choisi. Ce n’est pas un tirage au sort 🎲, mais une décision mûrement réfléchie, guidée par des professionnels dévoués et, bien sûr, par la famille de l’enfant.
Selon les besoins, certains enfants s’épanouissent avec des appareils auditifs ou des systèmes MF, tandis que d’autres, face à une surdité plus profonde, pourraient se voir proposer un implant cochléaire. Une grande décision, mais prise avec un accompagnement et un soutien total. 🤗
Et quand les appareils ne suffisent plus ? C’est là qu’un interprète en milieu scolaire peut entrer en jeu pour pallier les manques d’informations lors des cours. Il devient donc les « oreilles » de l’élève.
Le système MF, pour « modulateur de fréquence », joue un rôle crucial dans les salles de classe, souvent bruyantes, en amplifiant les sons de manière ciblée. Ce système est conçu pour surmonter les défis acoustiques typiques des environnements d’apprentissage, comme les bruits de fond, les échos, et surtout, la distance entre l’élève et l’enseignant.
Concrètement, le système MF se compose d’un récepteur que l’élève connecte à ses appareils auditifs, généralement via deux petits embouts. L’enseignant, de son côté, porte un micro. Lorsque ce micro est activé, il canalise directement la voix de l’enseignant dans les appareils de l’élève, éliminant ainsi les bruits ambiants et réduisant l’effet d’écho et de distance. Que l’enseignant soit à proximité immédiate ou à l’autre bout de la salle, l’élève perçoit sa voix clairement et distinctement. Génial, non ? 🤩
Cette technologie offre aux élèves malentendants une meilleure chance d’accéder à l’information verbale, essentielle pour suivre le cours. Mais l’adaptation à ce système représente un défi supplémentaire pour les enseignants, qui doivent déjà gérer une classe diverse. 😅 Pour les soutenir, des séances de sensibilisation peuvent être organisées en début d’année scolaire. Ces sessions visent à familiariser les enseignants avec l’outil, son fonctionnement, son importance pour l’élève concerné, et les meilleures pratiques pour son utilisation.
Les enseignants se montrent généralement réceptifs et s’adaptent bien à l’utilisation du système MF. Bien sûr, il peut y avoir des petits oublis – genre oublier d’allumer le micro. 🙈
Mais dans son ensemble, le système MF est une avancée significative dans l’éducation inclusive, garantissant que tous les élèves, indépendamment de leurs défis auditifs, puissent participer pleinement à l’expérience d’apprentissage.
Tu te demandes peut-être quels sont les véritables défis que rencontrent au quotidien les élèves ayant une perte auditive ? Ce n’est pas juste une question d’entendre ou non le prof, c’est bien plus complexe ! 🤔
Isabelle partage avec nous un aperçu touchant de leur réalité. Imagine un peu : ces élèves se battent non seulement pour capter les sons, mais ils doivent aussi essayer de deviner ce qu’ils ont manqué. C’est un peu comme essayer de compléter un casse-tête sans avoir toutes les pièces (et sans avoir l’image du casse-tête). Frustrant, non ? 😕
Le hic, c’est que souvent, ces élèves ne réalisent même pas ce qu’ils n’entendent pas. « On ne sait pas ce qu’on ne sait pas », dit Isabelle. Les élèves peuvent penser avoir tout capté, mais quand on creuse un peu, en leur demandant de réexpliquer... Oups, il manque des morceaux ! 😬
C’est là que le rôle des enseignants devient crucial. Et ce n’est pas suffisant de demander « Tu as compris ? », parce que, soyons honnêtes, la réponse sera souvent un « Oui ! » optimiste. Il faut plutôt inviter les élèves qui ont une perte auditive à partager ce qu’ils ont retenu, pour vraiment mesurer leur compréhension. C’est dans ces moments-là que le soutien et la bienveillance font toute la différence. Sans eux, l’écart de compréhension peut s’élargir dangereusement, conduisant à des retards d’apprentissage.
Et si un interprète entre en jeu ? L’enseignant doit quand même se rappeler que l’élève reste avant tout sa responsabilité. L’interprète est une aide précieuse, oui, mais c’est à l’enseignant de veiller à ce que chaque élève suive bien, en vérifiant régulièrement sa compréhension.
Dans le domaine de l’éducation, chaque élève ayant une perte auditive (s’il a besoin d’un interprète, bien sûr) a son interprète à lui.
Et c’est logique ! Chaque enfant est unique, et chaque surdité est unique aussi. Par exemple, certains enfants vont préférer la communication par signes (en LSQ — langue des signes québécoise). D’autres, peut-être grâce à une meilleure audition résiduelle ou à un impact cochléaire, attendent de leur interprète qu’il « remplisse les trous » en disant ce qu’ils ont manqué.
Donc, tout comme une personne ne pourrait pas traduire un discours en mandarin et en russe simultanément, un interprète ne peut pas traduire pour 2 élèves en même temps.
La collaboration étroite entre l’interprète et l’enseignant est cruciale. Isabelle met en lumière un défi particulier : l’interprète, en traduisant, doit veiller à ne pas trop parler. 🤫 En effet, la ligne est mince entre rendre l’information accessible et carrément fournir les réponses, surtout dans des situations où les questions de l’élève pourraient toucher à des aspects du curriculum que l’enseignant cherche à évaluer.
De plus, le rôle d’interprète ne se limite pas seulement à faire une traduction mot-à-mot de ce que dit l’enseignant.
Prenons le mot « bretelle », par exemple.
Imagine que tu es au volant, guidant ta famille sur l’autoroute, et que le GPS annonce : « Prenez la bretelle à droite. » Pour toi, le contexte rend le sens évident : une bretelle, c’est une rampe d’accès ou de sortie sur l’autoroute.
Mais si, lors d’une leçon de lecture, le terme « bretelle » surgit, un enfant sourd pourrait le connaître uniquement dans le contexte des vêtements, comme les bretelles d’un pantalon ou d’une robe. L’interprète, dans son rôle de traducteur, va devoir illuminer le chemin pour l’enfant, révélant non seulement le double sens du mot mais aussi le contexte dans lequel il est utilisé. 🌟
Cet instant d’apprentissage devient alors bien plus qu’une simple traduction : c’est une occasion d’élargir le champ lexical de l’enfant, de nourrir sa curiosité et de développer sa compréhension du monde qui l’entoure.
Cet exemple illustre parfaitement le défi quotidien des interprètes scolaires : non seulement ils doivent assurer que chaque information soit accessible, mais ils doivent aussi contextualiser cette information, garantissant ainsi que l’élève puisse pleinement participer à l’apprentissage, avec une compréhension riche et nuancée.
Ouais… Toute une job ! 😅
Devenir interprète en langue des signes ou en lecture labiale (lire sur les lèvres), ça ne se fait pas en suivant un cours au Cégep ou à l’université.
Le parcours d’études est plutôt… différent. 🤔
En effet, les aspirants interprètes doivent faire preuve d’initiative et de créativité dans leur formation.
La plupart du temps, ceux qui souhaitent embrasser cette carrière enrichissante commencent par plonger dans l’apprentissage de la LSQ, en suivant des niveaux progressifs pour enrichir leur vocabulaire. Mais la maîtrise de la LSQ ne suffit pas ! C’est aussi essentiel d’interagir avec la communauté sourde pour saisir la richesse de leur expression et intégrer pleinement la langue dans toutes ses subtilités.
Aussi, la formation VisèME offre un tremplin pour ceux qui visent à devenir interprètes oraux, en se concentrant sur les techniques qui facilitent la lecture labiale. Cette formation couvre également la Langue Parlée Complétée (LPC), un système qui utilise des gestes manuels près du visage pour clarifier les sons et les mots qui se ressemblent visuellement mais ont des significations différentes, comme « pain », « bain » et « main ».
Une fois armés de ces outils, beaucoup choisissent de compléter leur arsenal avec une formation en éducation spécialisée ou un autre domaine connexe, dans le but d’acquérir les compétences nécessaires pour travailler dans les centres de services scolaires.
Mais malgré la passion et la détermination des interprètes, Isabelle souligne une réalité préoccupante : le manque de professionnels dans le domaine. 😥 Dans de nombreux centres de services scolaires, des élèves se retrouvent sans interprète, luttant quotidiennement pour accéder à l’information. Résultat ? Ces élèves vivent une fatigue extrême en fin de journée, toujours en proie au doute sur ce qu’ils ont pu manquer.
Maintenant, examinons ensemble les 4 grands messages à retenir de cet épisode !
As-tu déjà imaginé à quoi ressemble une journée typique pour un élève sourd dans une école ? Isabelle nous plonge dans cette réalité, souvent compliquée par un manque de ressources.
Imagine un peu : ton interprète, qui est essentiellement tes « oreilles » à l’école, est soudainement appelé ailleurs parce qu’un autre élève aurait besoin d’elle… 😨 Tu te retrouves alors dans un silence total, sans comprendre ce qui se passe autour de toi. On te dit : « pas de trouble, on t’expliquera plus tard », mais quand ? Et si ce « plus tard » n’arrive jamais au bon moment pour toi ?
Par exemple, supposons qu’un élève a manqué des informations importantes pendant son cours. L’enseignant pourrait se dire : « pas grave, je vais lui expliquer pendant la récréation ».
Mets-toi un peu à la place de l’élève… Est-ce que ça lui tente, lui, de rater sa récréation pour entendre des explications auxquelles il aurait dû avoir droit pendant son cours ? 😅
Sûrement pas.
Malheureusement, ça arrive. Ou, sinon, l’enfant qui a perdu son interprète pendant un moment ne va tout simplement jamais avoir accès aux informations manquées.
Les enfants sourds, souvent si discrets, sont malheureusement les premiers à vivre les effets de la pénurie de main-d’œuvre, à devoir partager ou même abandonner leurs précieuses « oreilles ».
Vraiment, l’interprète est là pour soutenir l’élève sourd ou malentendant, pas l’école au complet. 😓
« Ah ouin, un interprète en maternelle ? Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? Les enfants font juste jouer. »
Oui, c’est nécessaire. Et non, les enfants ne font pas que jouer.
Pendant la maternelle, les enfants sont en pleine acquisition du langage. Ils explorent la conscience phonologique, les sons, et les rimes. L’interprète peut donc jouer un rôle indispensable auprès des enfants sourds, leur ouvrant l’accès à un monde de nouveaux mots.
Et oui, chaque intervention minutieuse de l’interprète va contribuer significativement à l’éducation de l’enfant, lui permettant de rester engagé et motivé dans son apprentissage.
Être interprète, ça demande de la préparation, surtout quand l’élève arrive au secondaire !
Si l’interprète arrive en classe de maths ou de sciences et doit traduire des termes comme « Erlenmeyer », « Pythagore », ou la « loi d’Ohm » sans avoir rafraîchi ses connaissances depuis ses propres années au secondaire, ça va être rough.
Et que dire des matières sanctionnées par le ministère, comme l’examen d’histoire en secondaire 4, où les fameux documents ne sont disponibles que la veille ? 😬 L’interprète se retrouve dans une course contre la montre pour se préparer, portant le poids de ne pas vouloir en dire trop pour permettre à l’élève de réussir par ses propres moyens, tout en s’assurant que l'élève ne manque aucune information cruciale.
Cette préparation minutieuse, combinée à la pression de ne pas influencer outre mesure la performance de l’élève, révèle l’équilibre délicat que les interprètes doivent maintenir. Un petit stress ? Absolument. Mais Isabelle dit que tout ça vaut la peine. Elle a adoré être interprète. 🤩
Qui sait, peut-être que tu pourrais te lancer dans ce domaine, toi aussi ?
Comme dernier message avant de terminer, Isabelle nous lance un petit rappel amical (et un peu humoristique) sur l’importance de baisser le son dans nos écouteurs.
Parce que oui, si on continue de bombarder nos oreilles de décibels, on risque d’abîmer les petits cils fragiles dans notre cochlée. Et ça, ça mène à des pertes auditives, surtout pour les sons aigus.
D’ailleurs, Isabelle nous dit : « Si jamais tu finis par ne plus entendre parce que tu as écouté ta musique trop fort, pas de panique ! Je m’appelle Isabelle Proulx, et je suis interprète. Je peux t’aider. » 😂 Elle niaise, bien sûr, mais le message est sérieux ! Autrefois, c’étaient surtout les travailleurs d’usine qui souffraient de pertes auditives précoces. Maintenant, c’est la « génération écouteurs » qui en souffre.
Alors, n’oublie pas de prendre soin de tes oreilles ! Tu n’en as que 2 ! 😉
Après avoir parcouru ensemble les coulisses du monde de l’interprétation avec Isabelle Proulx, c’est dur de ne pas repenser à notre fameux Thamsanqa Jantjie, l’interprète imposteur qui a provoqué la zizanie pendant la cérémonie pour Nelson Mandela. 😅
Vraiment, c’est toute une histoire.
Sûrement que la prochaine fois que tu verras un interprète en action, que ce soit dans un film, une émission ou dans la vraie vie, tu vas te souvenir du 10 décembre 2013.
Mais surtout, j’aimerais que tu te souviennes de l’impact profond que peut avoir une interprétation fidèle et engagée sur une personne sourde ou malentendante.
Oui, ces professionnels ne font pas que traduire des mots : ils tissent des liens, brisent l’isolement et célèbrent la richesse de la communication humaine. 🌎🤗
Pour découvrir les services offerts aux élèves sourds ou malentendants dans la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec, visite le Centre de services scolaires de La Riveraine.
Rejoins la communauté de l’AQEPA Mauricie, l’Association québécoise des parents d’enfants handicapés auditifs.
Plonge dans le Lexique LSQ pour une exploration fascinante de cette langue riche et expressive !
Tu as aimé cet épisode ? 📌 Épingle-le sur Pinterest pour le retrouver facilement !
Un interprète en milieu scolaire assure la communication pour les élèves sourds ou malentendants, en traduisant les informations de manière accessible et en fournissant le contexte nécessaire pour une compréhension complète.
Les enfants sourds en maternelle ont besoin d'un interprète pour accéder pleinement aux activités éducatives et au développement du langage, ce qui est crucial à cet âge.
Les interprètes doivent se préparer minutieusement pour chaque cours, équilibrer la traduction et l'intégrité de l'apprentissage, et s'assurer que les élèves comprennent les concepts enseignés sans fournir directement les réponses.
Le parcours inclut l'apprentissage de la LSQ, l'interaction avec la communauté sourde, et potentiellement une formation en éducation spécialisée. Les aspirants interprètes doivent faire preuve d'initiative et de créativité dans leur formation.